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Un couple de collectionneurs actifs et engagés partage sa passion pour l’art actuel

Une œuvre sur papier de l'artiste Paryse Martin Copyright © 2013 Paryse Martin

Une œuvre sur papier de l’artiste Paryse Martin, représentée à la Galerie Michel Guimont
Copyright © 2013 Paryse Martin

À notre premier contact au téléphone, Norbert Langlois, un collectionneur en art actuel, me lance spontanément: « aimerais-tu voir notre collection? ».

« Quelle question! » répondis-je tout sourire, percevant dans la voix de l’homme, la passion de ceux et celles qui aiment partager leur univers.

Quelques jours plus tard, Norbert Langlois et Marie-Christine Morin, tous les deux propriétaires de la compagnie de théâtre Marie-Stella à Québec, m’accueillent généreusement à leur domicile pour m’accorder une entrevue.  Oui, car en plus d’être associés en affaires, ils forment un couple d’amoureux, mais aussi, un tandem dans l’acquisition des œuvres qui composent leur collection.

Les présentations faites, ils m’invitent à m’asseoir devant un thé au jasmin qui parfume la pièce.  Déjà, deux magnifiques et singulières œuvres sur papier de l’artiste Paryse Martin attirent mon regard…à répétition.

La discussion commence.

Améliorer le niveau de vie des artistes par des actions concrètes

« Un des problèmes en art, c’est que 80% de l’argent investi s’en va dans les infrastructures » souligne Norbert.  Il ajoute que son opinion est intuitive, mais relate que c’était le cas pour des projets sur lesquels il a travaillé dans le passé.

Il comprend que cela puisse être nécessaire à la diffusion du travail des artistes, mais selon lui, il est temps de repenser profondément l’actuel système de gestion et de promotion des arts.   Il ajoute : « Il faut retourner l’entonnoir de bord pour que les artistes en obtiennent plus.  Pour l’instant, ces derniers n’en retirent que des « peanuts ».  Les infrastructures gobent tout et le problème se situe essentiellement à ce niveau.  Trop de programmes qui existent actuellement sont justement créés pour nourrir ces infrastructures. »

Marie-Christine ajoute qu’il y a beaucoup de promotion pour les artistes émergents, mais très peu pour les artistes établis.  Pourtant, ces derniers n’ont pas nécessairement plus de facilité à joindre les deux bouts.

Justement, comment se fait-il qu’au Québec, des artistes aux pratiques établies et qui, par surcroît, peuvent se targuer d’être présents dans de prestigieuses collections d’entreprises et muséales, peinent encore à vivre de leur art?

Les dernières données analysées par la firme Hill Strategies Research, démontrent qu’un Québécois investit en moyenne 12$ par année dans l’acquisition d’œuvres d’art originales, alors qu’un citoyen des autres provinces canadiennes en investit 29$. C’est donc au Québec que les acquisitions par les particuliers sont les plus faibles au Canada.

Marie-Christine fait remarquer qu’ici, la notion de respect et d’intérêt pour le patrimoine culturel et familial ne semble pas, de toute évidence, aussi développée que chez les européens ou les américains par exemple.   Ces derniers sont effectivement reconnus pour être de plus grands consommateurs d’art et de biens culturels.  Ce n’est pas un grand mystère si les galeries d’art qui fonctionnent très bien au Québec, sont souvent situées dans les circuits touristiques.

Quand on sait qu’en période de crise économique, plusieurs investisseurs à travers le monde achètent de l’art, sachant qu’il s’agit d’une valeur refuge alors qu’ici, trop peu d’individus pensent à diversifier leur portefeuille en acquérant des œuvres d’artistes.

J’aborde aussitôt la question des avantages fiscaux sur les achats d’œuvres d’art pour les entreprises : « Constatez-vous que ces avantages fiscaux, pourtant très intéressants, sont méconnus des entrepreneurs que vous rencontrez? »

D’emblée, Norbert déclare qu’il y a effectivement un véritable travail d’éducation et de promotion à faire à ce niveau.

Il ajoute qu’actuellement, on ne sent pas d’importantes réunions d’artistes comme ce fût le cas avec le manifeste du Refus global, en 1948.  Selon lui, les vrais changements et le travail d’éducation risquent d’être engendrés par ceux qui gravitent autour des artistes et qui sont habités du désir d’améliorer la qualité de vie de ces derniers, à travers des gestes concrets.

Une œuvre de Dan Brault Copyright © 2013 Dan Brault

Une œuvre de Dan Brault
Copyright © 2013 Dan Brault

Le Cercle des collectionneurs en art actuel

Mené par une volonté d’instaurer un plus vif intérêt du public pour l’art actuel et de stimuler le marché de  l’art au Québec, Norbert est de ceux qui mettent leurs projets en action.

En 2012, il fonde le Cercle des collectionneurs en art actuel, un regroupement visant à promouvoir et démystifier l’acquisition d’œuvres d’art.

S’adressant autant au collectionneur averti qu’au novice désirant procéder à ses premiers achats, le seul et primordial critère d’admissibilité consiste à collectionner activement, à raison d’un minimum d’une œuvre par année.

Cependant, aucun budget minimum n’est imposé aux membres,  car tous devraient pouvoir s’offrir des œuvres originales d’artistes à la maison et ce, sans discrimination d’aucune sorte.  Que l’on acquière un petit dessin original sur papier, un tableau ou une majestueuse sculpture, l’important est de se familiariser au monde de l’art actuel à son rythme, selon ses goûts et ses moyens.

Ce projet a l’ambition de faire vivre aux membres, les étapes de découverte et d’approfondissement qui feront d’eux de véritables amateurs d’art éclairés et des collectionneurs avisés.  Pour ce faire, l’idée est de privilégier, à travers des rencontres organisées, le dialogue et le contact direct avec des artistes en ateliers, des professionnels et des spécialistes de l’art.

Ce colossal travail de sensibilisation, il est important de souligner que Norbert et les membres actuels du Cercle le font bénévolement, sans aucune aide financière.

Sachant très bien que plusieurs collectionneurs n’apprécient pas, et avec raison, se faire tirer la manche par les artistes, Norbert précise que par respect pour ses membres et éviter toute sollicitation, aucune liste incluant leurs noms et coordonnées n’est diffusée à quiconque.

Une sculpture de l'artiste Paryse Martin Copyright © 2013 Paryse Martin

Une sculpture de l’artiste Paryse Martin, représentée à la Galerie Michel Guimont
Copyright © 2013 Paryse Martin

L’évolution d’une collection

Florissant de par la qualité de ses artistes, le marché de l’art actuel offre la possibilité d’acquérir des œuvres originales et de démarrer sa propre collection, même avec un budget modeste. D’ailleurs, s’il y a un mythe entourant le monde des collectionneurs d’art, c’est assurément celui voulant qu’il soit un univers réservé à des individus très fortunés.

« Nous ne sommes pas riches » mentionnent Norbert et Marie-Christine.  « Nous pourrions rénover la maison plus rapidement, mais nous choisissons d’investir dans l’art ».  Dans un éclat de rire complice, ces derniers admettent néanmoins que plus leur collection progresse et plus ils repoussent les limites budgétaires vouées à leurs acquisitions.

Il y a plusieurs années, Norbert a acheté ses premiers tableaux avec très peu de moyens, alors qu’il était encore étudiant.  À l’époque, son intérêt était essentiellement porté vers des œuvres de style naïf, mais au fil du temps, son regard a évolué et aujourd’hui, on retrouve dans leur collection conjointe, des œuvres produites par des artistes réputés tels que Marc Séguin, Claudie Gagnon, Martin Bureau, Jean-Robert Drouillard, BGL, Thierry Arcand-Bossé,  Les Fermières Obsédées,  Josée Landry Sirois,  Dan Brault, Pierre Durette, Doyon-Rivet, Rafael Sottolichio, François Chevalier, Marie-Andrée Gilbert, Laurent Gagnon et plusieurs autres.

L’attrait du couple pour l’art figuratif est incontestable.  Bien que certaines pièces se situent à la limite de l’abstraction, chacune des œuvres de leur collection comporte des éléments figuratifs.  Selon eux, nous assistons actuellement à un renouveau de l’art figuratif.  « Maintenant, c’est bien vu de maîtriser le dessin, à condition de l’amener ailleurs. » ajoute Norbert.

Actuellement, plusieurs pièces de leur collection ont vu leur valeur marchande hausser avec les années.  Si le couple voit bel et bien l’art comme un actif et un investissement financier, c’est d’abord un très palpable amour des artistes qui semble alimenter leur passion.

Il suffit de les écouter parler de l’artiste Claudie Gagnon pour bien saisir l’ampleur de l’amour et du respect qu’ils vouent aux créateurs qu’ils admirent.   D’ailleurs, Norbert affirme, sourire en coin, que la plupart des artistes faisant partie de leur collection sont des personnes avec qui il a passé des soirées mouvementées.

Concernant la valeur pécuniaire de leurs œuvres, Norbert ajoute ces sages paroles : « Pour l’aspect investissement, on verra vraiment dans 30 ans, ça demeure toujours un risque à ce niveau. »

Pour le couple, la notion d’investissement se traduit essentiellement dans le bonheur qu’ils retirent de cette passion dans leur quotidien.  Aucune journée ne passe sans qu’ils ne s’arrêtent devant une œuvre pour la contempler.  Pour eux, une création évolue et se transforme au même rythme que le regard de celui ou celle qui l’observe.

D’emblée, Marie-Christine avoue qu’elle aime jouer à la commissaire et changer l’emplacement des œuvres en cherchant la meilleure façon de les mettre en valeur, en créant un fil conducteur entre elles, une sorte d’interaction.  Et, à chaque nouvelle acquisition, ce plaisir est renouvelé.

L’importance de l’encadrement des pièces est également abordée par le couple qui souligne, à plus d’une reprise au cours de la rencontre, le travail exceptionnel  de l’encadreur artisan François Simard, dont l’atelier est situé sur la côte d’Abraham à Québec.

 

Une œuvre de l'artiste Thierry Arcand-Bossé, représenté chez Lacerte Art Contemporain Copyright © 2013 Thierry Arcand-Bossé

Une œuvre de l’artiste Thierry Arcand-Bossé, représenté chez Lacerte Art Contemporain
Copyright © 2013 Thierry Arcand-Bossé

Définir l’art actuel; un défi de taille?

Certains néophytes se demandent peut-être ce qu’est l’art actuel?

Difficile d’y répondre pour Norbert qui constate que plusieurs amateurs et spécialistes ont justement des opinions différentes à ce sujet.  Pour lui, il s’agit d’un art ayant un certain potentiel muséal, n’ayant rien à voir avec une création dite « très commerciale ou traditionnelle».  Encore là, il prend soin de préciser qu’il n’est pas aisé de définir ce qui a un potentiel muséal.

À  titre d’exemple, à l’Université du Québec de Montréal, où on enseigne l’art actuel, cette période de la création artistique est définie comme étant apparue en l‘an 2000, faisant suite à celle appelée « art contemporain ». Pour d’autres spécialistes, il s’agit plutôt de l’art découlant d’une recherche affirmée et provenant de mouvements alternatifs, tel que celui étant diffusé par les centres d’artistes, une définition qui se rapproche de celle de Norbert.

D’esprits ouverts, Norbert et Marie-Christine mentionnent qu’il serait intéressant de se pencher plus sérieusement sur la question, avec une vision de partage.

Y aurait-il des intéressés parmi vous?  Le temps est aux réunions visant à provoquer de grands changements…

Pour obtenir de plus amples informations ou devenir membre du Cercle des collectionneurs en art actuel, visitez leur page Facebook: ICI

Copyright © 2013-2018 Caroline Houde

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